Bloctel, l’outil anti-harcèlement téléphonique

Publié le 8 juillet 2021 | Par Pacitel - Source Aujourd’hui en France-Le Parisien, mai 2016

CONSOMMATION. Le gouvernement a mis en place une liste rouge pour ne plus subir de démarchage commercial.

Qui n’a jamais été excédé par des démarchages téléphoniques intempestifs pour vendre du double vitrage, des panneaux photovoltaïques, des cuisines intégrées ? Une activité intrusive en pleine croissance qui suscite aujourd’hui un sentiment de harcèlement.
Créée en décembre 2011, Pacitel, une « liste d’opposition », prétendait protéger ses inscrits de tout démarchage. Inefficace, ce service a fermé en janvier et sera remplacé le 1er juin par le site officiel Bloctel.gouv.fr. Comme pour Pacitel, il suffira d’y déclarer en ligne son numéro d’appel, fixe ou mobile, pour ne plus être dérangé. Un délai d’un mois est néanmoins prévu avant que ce service gratuit ne s’impose aux télé-démarcheurs.

75 000 € d’amende

Est-ce alors la fin du démarchage abusif ? Martine Pinville, secrétaire d’Etat chargée du Commerce et de la Consommation, s’y est engagée mardi sur RTL : « Je garantis bien évidemment que cela va marcher », a-t-elle déclaré en dévoilant le nom du futur service. Comment ? « S’il y a démarchage abusif, il faudra relever le numéro de téléphone et, si possible, le nom de la société qui a appelé, et les signaler sur Bloctel ou à la DGCCRF (NDLR : Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes). Nous ferons les poursuites nécessaires. » Une amende de 75 000 € est prévue dans la loi, votée en 2014. Et la secrétaire d’Etat promet de « faire des exemples, dès juillet prochain ».

SFR en tête des entreprises les plus intrusives

Nouveau levier de croissance pour les entreprises commerciales, le télémarketing explose. Les plates-formes qui le pratiquent sont capables de solliciter des millions de personnes pour promouvoir les services ou produits d’un client.
Dans une étude publiée lundi prochain, le magazine « En contact », spécialiste des relations clients, révèle les excès du système et les limites de la réforme. Pour cela, il a surveillé durant six mois une centaine de numéros fixes et mobiles. Parmi les sociétés à l’origine des campagnes d’appels les plus intensives (voir infographie), SFR arrive en tête (jusqu’à quatre appels reçus par semaine), selon le magazine. Viennent ensuite Engie (ex-GDF Suez) et Canal +.

Un garde-fou qui a des limites

« La ministre est peut-être allée un peu vite en besogne dans ses garanties, car les techniques marketing sont toujours en avance sur la réglementation », analyse le rédacteur en chef d’En -Contact, Manuel Jacquinet. Favorable au projet, il regrette que « les SMS de sollicitation commerciale soient exclus des signalements, de même que le démarchage caritatif et politique, en forte croissance en cette période de pénurie des dons et de primaires ».

Une identification parfois impossible

Comment identifier les centres d’appels alors qu’aujourd’hui ils sont capables de générer de faux numéros d’appels nationaux voire régionaux afin d’inciter l’appelé à décrocher ? « Bon courage à celui qui cherchera celui se trouvant derrière ces numéros », commente Manuel Jacquinet. De plus, certaines plates-formes sont domiciliées à l’étranger, où il sera difficile de les sanctionner. Quant aux donneurs d’ordres, ils ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Des prestataires n’hésitent pas à se revendiquer d’une grande société pour rassurer le client. « Aux Etats-Unis, les amendes n’ont pas permis de stopper les abus. La Suisse, elle, prévoit des peines de prison, et là ça marche », conclut le rédacteur en chef d’« En contact ».

Par DANIEL ROSENWEG

VOIX EXPRESS

Propos recueillis par JEAN-MARC DUCOS

Que faites-vous pour éviter les coups de fil commerciaux ?

Isabelle Bogoratz, 50 ans, enseignante Sainte-Maxime (83)
« J’ai développé une stratégie. Je décline systématiquement ces offres tout en restant polie, pondérée et mesurée. j’ai toujours en tête qu’à l’autre bout du téléphone, ce sont des travailleurs précaires de call-centers soumis à des rendements infernaux. Ce sont les opérateurs téléphoniques qui nous sollicitent le plus. La liste rouge ne m’intéresse pas. Je suis capable de gérer ces appels sans assistanat. »

Vincent Foger, 28 ans, enseignant Fontenay-aux-Roses (92)
« Je coupe court immédiatement. Ils appellent toujours entre midi et deux, quand je n’ai jamais le temps de répondre. Quand je le fais, je refuse d’entendre leurs arguments commerciaux, je raccroche. A chaque fois, on veut me vendre des volets, des doubles vitrages ou des cuisines équipées. Cela m’agace. Quand je dois faire un choix, je vais voir en magasin. Acheter à l’aveugle, c’est hors de question ! »

Léa Girard, 41 ans, assistante Paris (XIIIe)
« Je refuse tout net de discuter. J’ai un prétexte tout prêt en disant que je fais la cuisine et je leur dis de rappeler plus tard. Mais le pire, c’est qu’ils le font ! Ils ne lâchent jamais. Dernièrement, un opérateur téléphonique m’a demandé de répondre à 75 questions ! J’ai accepté car je me suis mise à la place de l’interlocuteur à l’autre bout du monde et cela a duré vingt minutes. Mais plus jamais ! »

Véronique Tarasco, 63 ans, retraitée Bois-Colombes (92)
« J’ai activé un dispositif grâce à ma box qui oblige mes interlocuteurs à s’annoncer, sinon mon téléphone ne sonne pas. Et je ne décroche pas quand je ne connais pas le numéro. Sinon, je sais trouver le ton qu’il faut quand ils deviennent un peu trop offensifs. Ces gens-là vous vendraient père et mère ! Ce sont souvent des arnaques et on paye tout plus cher malgré leurs belles promesses. »

Angeline Girault, 19 ans, étudiante Maisons-Alfort (94)
« Je fuis les numéros qui commencent par 08. Ai-je une tête à acheter des fenêtres à mon âge ? Et je redoute toujours qu’un numéro surtaxé se cache derrière. Ce sont des pièges commerciaux. Les rares fois où je réponds, je reste correcte mais je fais vite comprendre que cette démarche est désagréable car je ne supporte pas qu’on veuille me forcer la main pour des dépenses inutiles pour mon budget. »

Une plaie aussi pour les patrons

L’étude menée par le magazine En-Contact (spécialisé dans les thématiques service client et centres d’appels), que nous dévoilons ici en avant-première, révèle également que les dirigeants d’entreprise sont loin d’être épargnés par le fléau du démarchage téléphonique abusif. Des pharmaciens, par exemple, ont été littéralement harcelés en fin d’année dernière par de nombreux laboratoires et des grossistes répartiteurs qui cherchaient à placer des médicaments. Des cafetiers et des boulangers ont été assaillis d’appels pour des fournisseurs qui sont en train de découvrir l’efficacité du marketing téléphonique. Enfin, les patrons ont aussi été la cible de banques et de mutuelles cherchant à prendre des parts de marché dans le cadre de la réforme des assurances complémentaires santé. Selon l’étude, entre ses lignes téléphoniques professionnelles et privées, un patron ayant des enfants scolarisés et diffusant facilement ses coordonnées a été appelé jusqu’à cinq fois par jour. A raison de trois minutes par appel, ce patron perd six heures par mois à répondre aux démarcheurs. Une vraie plaie qui justifie aussi un site comme Bloctel.