La guerre est déclarée au télémarketing sauvage (Unsolicited Calls), partout dans le monde

Publié le 8 juillet 2021 | Par Pacitel

Liste rouge, Pacitel, Bloctel, Do Not Call List, LNTTE etc, depuis plus de vingt ans, partout dans le monde, Etats et Associations de protection des consommateurs tentent de juguler l’essor du démarchage téléphonique, considéré par tous les consommateurs dans le monde comme un fléau. C’est aux Etats-Unis que les moyens les plus importants sont déployés, sans qu’ils soient parvenus jusque-là à endiguer réellement les efforts des malotrus du démarchage téléphonique.

Je compte sur vous

Je compte sur vous – © Hugo Cohen

Les procureurs américains (General Attorney) et autorités anglaises ont déclaré la guerre aux scammers (arnaqueurs), bien décidés à stopper ou endiguer le fléau des unsolicited calls, les appels émis et non sollicités via du démarchage téléphonique. Des amendes qui ont parfois atteint les 18 millions de dollars, pour une seule entreprise, n’ont pas effrayé jusque-là les contrevenants.

Aux USA, l’union sacrée des procureurs

Letitia James, la procureure de l’état de New York, a déclaré en août 2020, aux USA la guerre aux scammeurs téléphoniques, avec une formule qui ne laisse pas de doute quant à ses intentions : « Très bientôt, les arnaqueurs adeptes du démarchage téléphonique n’auront plus qu’un appel à faire, celui à passer à leur avocat ». La General Attorney rejoint la liste, nombreuse, des procureurs de plus de quarante états qui ont décidé de tuer le fléau du démarchage téléphonique non sollicité ou illégal (unsolicited calls). On comprend aisément la vigueur de la bataille grâce aux chiffres suivants : 26 milliards d’appels non désirés ont été émis vers les citoyens américains en 2018, un chiffre en augmentation de 46% par rapport à 2017. Les législations pourtant contraignantes et amendes aux montants stratosphériques n’ont pas endigué le fléau.

Les opérateurs téléphoniques appelés à la rescousse

Aux États-Unis, comme en France, on sait désormais que l’une des pistes consiste à demander le concours des opérateurs téléphoniques qui acheminent les appels, notamment ceux émis depuis des pays lointains où se cachent les contrevenants aux législations qui encadrent le démarchage téléphonique. Ainsi, depuis le 1er août de l’année 2018, une nouvelle disposition introduite par l’Arcep était censée réglementer en France un peu les appels téléphoniques de démarchage non désirés et donc tenter de les limiter. Elle intimait aux opérateurs téléphoniques de ne laisser passer dans leurs « tuyaux » que des appels dont on sait qui les émet, ce qui devrait diminuer le phone spoofing, ces campagnes industrielles d’appels émises par des robots. Jusque-là, via la présentation de faux numéro, loués pour l’occasion, le commanditaire d’une campagne était difficile à identifier. Le champ d’action de cette disposition a été retoqué par le Conseil d’Etat depuis.

Aux USA, même chose : les plus grands opérateurs téléphoniques (ils sont douze dans ce cas) collaborent avec l’administration et se sont engagés à réguler les flux d’appels qui transitent par leurs plateformes, à en vérifier la licéité : AT&T, Verizon, Sprint, T-Mobile, etc.…

Tout ceci sera bientôt complété par une loi encore plus contraignante dénommée pour l’instant : Stopping Bad Robocalls Act qui a passé le stade du congrès.

Poursuivre personnellement les délinquants du télémarketing et non les entreprises qu’ils dirigent, la voie suivie au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, l’organisme de régulation, l’ICO, a légiféré de plus en plus rigoureusement depuis la mise en place des premières listes de protection du consommateur (l’équivalent de notre Bloctel). On estime pourtant que 3,9 milliards d’appels ont été mis par des pondeuses d’appels en 2018, qu’un anglais reçoit en moyenne 90 appels de démarchage par an, soit deux par semaine. Cette nuisance générée dans leur vie quotidienne est déclarée comme la pire par les citoyens britanniques dans de nombreuses études et sondages réalisés chaque année.

Deux entreprises ont récemment fait la une des journaux : Smart Home Protection et Making It Easy : les deux commercialisant, comme à peu près partout dans le monde, des services d’installation de matériels de chauffage ou des alarmes anti-cambriolage. Épinglée récemment, Making it Easy avait en effet, sur un seul semestre en 2018, émis plus d’un million d’appels dont 80% le furent sur des numéros et des lignes pourtant inscrites sur le Telephone Preference Service (l’équivalent de notre Bloctel ou de la Do Not Call List aux USA). L’entreprise s’était vue infliger une amende de 190 000 livres.

Mais on a franchi un cap dans l’arsenal juridique pour combattre ces pratiques récemment (fin 2018) : ce sont les dirigeants eux-mêmes qui pourront être poursuivis et non les entreprises en tant que personnes morales car cette disposition a permis à de nombreux dirigeants d’échapper à leurs condamnations. Andy Curry, de l’ICO, a déclaré récemment que « les entrepreneurs hors -la- loi devaient savoir désormais qu’ils seront rapidement poursuivis et que le dépôt de bilan de leur société ne leur permettrait pas de créer un écran de fumée* ».

18 millions de dollars d’amende pour Redwood Scientific

Bien qu’elle ait été la 1ère nation au monde à créer une liste d’opposition au démarchage téléphonique non sollicité, les USA n’en finissent donc pas de créer des dispositifs de plus en plus contraignants, de décider de condamnations assorties de grosses amendes sans juguler les robocalls. Selon différentes statistiques, un américain moyen reçoit 13 appels de démarchage par semaine et 3,7 millions de plaintes ont été émises par des citoyens pour non-respect de la loi par des compagnies. Les amendes n’ont pourtant rien d’anodin : Redwood Scientific a été par exemple condamnée à 18 millions d’amende pour des campagnes de prospection visant à commercialiser des régimes minceur ou des pseudo Viagra. Danielle Cadiz, la dirigeante, a déposé le bilan de son entreprise peu après la condamnation.

A Paris, un remake d’Attrape-moi si tu peux

« Dans un quartier bourgeois de Paris, le 16ème arrondissement en l’occurrence, on peut rencontrer chaque semaine, conduisant sa grosse berline, un entrepreneur qui a pignon sur rue, œuvre dans un secteur en plein essor -la télésurveillance- et fait un large recours depuis des années à des plateformes téléphoniques situées au Maghreb », indique un journaliste de la rédaction d’En-Contact. « Lorsque je l’interroge sur les milliers d’appels qu’il génère en négligeant dans les grandes largeurs les règles de Bloctel, il sourit : avant qu’il ne m’attrape, j’aurai pris ma retraite ». Habile, ce dernier a en effet, comme ses homologues au Royaume-Uni, pris la peine de ne commettre lui-même aucun délit : il achète à des prestataires des leads tout chaud et bien qualifiés (dans le jargon du métier, un prospect qui s’est déclaré intéressé et est Ok pour recevoir un commercial de l’entreprise). Avec des faux numéros qui s’affichent sur le combiné, difficile jusque-là de remonter jusqu’à lui, le véritable commanditaire des campagnes.

La France ne s’est pas encore, heureusement pour ce Monsieur S, mis au diapason de ce que pratique l’Etat des Philippines : là-bas, police et gouvernement collaborent très étroitement avec les prestataires en centres d’appels et interviennent parfois en moins de 48 heures lorsqu’ils sont informés d’un délit, commis par des dirigeants d’entreprise ou leurs salariés. Des arnaqueurs israéliens, œuvrant depuis le pays et vendant de faux diamants ont été arrêtés l’an passé après une descente de police sur leurs plateaux. Ils y employaient plus de 800 personnes. Les téléconseillers qui commercialisent sous le manteau des fichiers dérobés font aussi partie des faquins et des marots aux pratiques vénales. Aux Philippines, pas d’embauche (et elles sont très nombreuses) dans un centre d’appels de Sitel, de Convergys ou de Teleperformance, des maisons bien tenues sur ce plan, sans un casier juridique vierge, authentifié. Chez Sitel aux Philippines, le directeur de la sécurité du prestataire est un ancien haut gradé de la police d’état (voir photo), preuve que la sécurité des données et la conformité des pratiques sont prises en compte. Ici à Manille.
Prévenir plutôt que guérir.

Par l’équipe de veille de Pacitel Embrouille.

*Astucieux, le dirigeant de Making It Easy avait en effet indiqué que les listes de prospects ayant été appelés étaient fournies par une société tierce mais on n’a trouvé aucun contrat écrit et formalisé par la société avec un prestataire. On sait simplement que les appels litigieux étaient émis depuis l’Ecosse, à Clydebank et que le préfixe qui s’affichait sur le combiné du prospect sollicité était celui d’un autre pays. Refiler la patate chaude à un tiers et se masquer derrière des faux numéros est bien la combinaison de moyens fréquemment adoptée par les scammers.