Le ras-le-bol du harcèlement marketing
Appels intempestifs, emails surabondants, prospectus qui encombrent les boîtes aux lettres. Partout dans le monde, les consommateurs sont saturés. Leur idéal ? Un monde où le client ne contacterait les firmes qu’en cas de nécessité. Aux États-Unis et dans nombre d’autres pays, des réglementations contraignantes visant le télémarketing sauvage ont déjà vu le jour.
Le télémarketing est souvent utilisé pour proposer, le soir, pendant le dîner, un abonnement, un produit ou une assurance. Exaspérés par ce véritable harcèlement téléphonique, les consommateurs américains et canadiens sont désormais protégés. S’ils ne souhaitent pas être contactés par une entreprise dont ils ne sont pas clients, ils peuvent s’inscrire sur des listes : la Do Not Call List et la LNNTE (Liste nationale des numéros de télécommunication exclus). Dès leur création, elles ont rencontré un vif succès et rassemblent aujourd’hui plusieurs millions d’inscrits. Des réglementations similaires existent en Allemagne et aux Pays-Bas. Les entreprises ont longtemps cru qu’elles pourraient passer outre ces réglementations. Erreur. Au Canada, 500 000 plaintes ont été déposées depuis l’automne 2008, date de mise en place de la LNNTE. Et les amendes pleuvent. En décembre 2010, l’opérateur Bell Canada et les salles de sport Good Life Fitness ont ainsi dû payer respectivement 1,3 million et 300 000 dollars pour utilisation de plates-formes d’appels automatiques avec envoi de messages préenregistrés. Les entreprises qui pensaient échapper à la loi en recourant à leurs sociétés de télémarketing basées, par exemple, au Mexique, doivent désormais rentrer dans le rang. La raison ? Les régulateurs des télécoms nord-américains se sont entendus avec leurs homologues dans ces pays. Un réseau international contre les appels non souhaités a même vu le jour ces derniers mois. Il comprend la Grande-Bretagne, la Corée, l’Irlande ou encore la France.
Les consommateurs français exposés aux abus
Sur le territoire national, le dispositif Pacitel, récemment promulgué, devrait s’aligner sur ces législations, mais il connaît des débuts compliqués. Mise en place le 1er décembre 2011, la procédure a déjà séduit plus de 600 000 consommateurs. Cette liste interdit aux entreprises dont ils ne seraient pas clients de les solliciter commercialement. Le secteur caritatif, la presse, les sondages et les partis politiques ne sont pas concernés par cette mesure. Mais les soirées tranquilles pourraient bien être différées dans le temps. En effet, tant dans son organisation que dans sa forme, Pacitel est un dispositif beaucoup moins contraignant que les réglementations mises en place dans d’autres pays. D’une part, le dispositif n’engage que les entreprises adhérentes. Or, le principal syndicat des prestataires de centres d’appels, le SP2C, n’en fait pas partie. D’autre part, il n’a pour l’instant aucune force réglementaire, puisqu’il ne s’agit pas d’une loi. Et à supposer qu’une telle loi soit votée, il faudrait encore promulguer son décret d’application et punir les contrevenants. Retraité d’une petite ville du Sud-Ouest, Gérard Bouvery a déjà fait les frais de ces « approximations ». Il ne cache pas son irritation : « Dès septembre 2011, je me suis inscrit sur la liste, mais rien n’a changé. Isolation, panneaux solaires… on continue de m’appeler. Quand je reçois mes petits-enfants pendant les vacances, j’aimerais bien qu’ils puissent dormir jusqu’à 11 heures. Or, le téléphone les réveille ! » Gérard Bouvery a contacté les animateurs de pacitelembrouille.org. Créée par quelques francs-tireurs, l’association entend rendre Pacitel vraiment efficace. Quitte à déposer plainte contre ce dispositif, comme elle l’a fait le 10 février dernier.