« On va défoncer des automates d’appel en masse ! » Roger Anderson, inventeur de Jolly Roger

Publié le 24 juillet 2024 | Par Pacitel

Aux Etats-Unis, à Los Angeles, Roger Anderson et son associé, Steve Berkson, jouent un bon tour aux télémarketeurs depuis 2016. Lassé de se faire appeler à longueur de journée par des télévendeurs à la subtilité questionnable, et surtout par des automates d’appel (les auteurs des fameux « robocalls », une plaie aux Etats-Unis), Roger a eu l’idée de… Jolly Roger. Avec Jolly Roger, le robot, c’est celui qui répond. Par une série de phrases types, mais aussi avec une réelle capacité d’adaptation au discours du pauvre télévendeur, aujourd’hui boostée par ChatGPT, l’impression est bluffante : il faut plusieurs minutes pour se rendre compte que l’interlocuteur est en fait un robot qui vous mène en bourrique. Roger Anderson nous explique comment fonctionne son système, et comment il pourrait devenir… le pire ennemi des automates d’appel.

Pourquoi avez-vous créé Jolly Roger ?
RA : Je l’ai fait, tout d’abord pour bloquer les appels de télémarketing sur mon propre numéro ! Les télémarketeurs ont parfois des comportements vraiment agressifs, surtout dans le secteur du BTP. Beaucoup de ces gars vous appellent depuis la prison, on ne comprend pas leur accent. Je n’ai pas de problème particulier avec l’industrie du télémarketing en tant que telle, mais la Do Not Call List ne marche pas. Ils utilisent d’autres entreprises, ils changent leurs numéros… Un jour c’est mon fils qui a répondu et ils s’en sont pris à lui, c’était trop. J’aime les téléphones fixes, j’aime la téléphonie, j’aime les gens. Les foyers méritent d’être équipés de téléphones. Donc, si vous êtes une personne physique réelle, vous appuyez sur un bouton, et je vous ajoute à une liste blanche. C’était l’idée de départ. Mais les télémarketeurs appellent en permanence. Alors je me suis dit, pourquoi ne pas programmer une salutation. Je voulais que ça aille plus loin qu’une guerre des machines où mon bot les bloquerait. Je voulais leur pourrir leur temps, inverser les rôles.

Il faut certaines compétences techniques pour mettre en place le Jolly Roger Telephone ?
RA : Je travaille dans les télécoms, donc s’il y a quelqu’un qui peut résoudre le problème, c’est moi. J’ai commencé à faire ça en 2016, en y travaillant les soirs et les week-ends. J’y ai passé six mois. Depuis, cela a beaucoup évolué. Je pense que mon associé et moi avons aujourd’hui créé la « machine la plus douée au monde dans l’art de répondre au téléphone ». Nous avons mis en place un système de détection pour que le Jolly Roger Telephone ne s’active pas en cas d’appel d’une personne normale et, lorsqu’il s’agit bien d’un telemarketer, chatGPT vient en renfort pour réagir aux propos de l’interlocuteur.

Des IA imitant Joe Biden ont été utilisées pour du démarchage téléphonique auprès des électeurs afin de le décrédibiliser. Pensez-vous que les callbots utilisant l’IA soient un danger pour le consommateur comme la démocratie ?
RA : Je ne pense pas que l’intelligence artificielle soit un danger pour la démocratie. Assurément, les régulations étatiques ne fonctionneront pas et les robots vont tromper le public pendant un moment. Toutefois, les citoyens vont progressivement bâtir des barrières mentales et un scepticisme naturel. Ils réaliseront que toutes les interactions qu’ils ont au téléphone se font potentiellement avec une intelligence artificielle. Après, je suis peut-être trop optimiste car les arnaques téléphoniques à l’ancienne sont toujours aussi nombreuses qu’il y a 20 ans. Il est aussi possible, qu’à l’avenir, nous ayons notre propre IA personnelle pour nous protéger contre ces arnaques d’un nouveau genre. Le Jolly Roger Telephone espère être l’un des précurseurs de ces assistants de demain.

Quel est le business model ?
RA : J’ai lancé une campagne sur kickstarter pour nous financer au tout début. Aujourd’hui, le prix de la souscription est mensuel, fixé à deux dollars. Nous préférons rester discrets sur le chiffre d’affaires. Mon associé et moi continuons de travailler à temps plein à côté du Jolly Roger Telephone. Nous avons aussi participé à la saison 10 de Shark Tank. Sans succès malheureusement, Kevin O’Leary nous a offert 400 000 dollars pour 50% des parts, ce qui était pour nous impossible.

Quel est le volume d’appel traité ?
RA : Quand j’ai lancé le service aux USA, 80 000 appels ont été traités dès la première semaine. Quand le service a été lancé au Royaume-Uni, ça a également été un succès. C’est là qu’on s’est dit « on va défoncer des automates d’appel en masse ». Derrière, ce sont de vrais personnes qui passent les appels. Comme ils ne veulent pas perdre leur temps à parler à des robots, ils vous enlèvent des listes.

En novembre 2023, nous fêtions nos 10 millions d’appels traités depuis 2016. Nous sommes désormais installés aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni. Nous sommes ouverts à de nouvelles collaborations, mais il nous faut pour cela passer des accords avec les opérateurs de chaque pays.

Quelles sont les remarques, les appels les plus insolites qui ont été traité par votre robot ?
RA : L’appel le plus long, et sans doute le plus stupide à ce jour a duré 22 minutes. 22 minutes pour que ce type du câbloopérateur comprenne qu’il parlait à un robot et abandonne ! Le robot était super sympa, engageait la conversation, et au moment de signer… il lui faisait redémarrer de zéro. Au bout de 20 minutes, le télémarketeur commençait à demander : « Mais… êtes-vous une vraie personne ? ».

 

Pour découvrir la solution et écouter des appels de télémarketing rendus hilarants par le robot :  http://jollyrogertelephone.com/